L’INSMI a interviewé Ya Deng, recruté au CNRS l’année dernière. Il a rejoint l’Institut Elie Cartan de Lorraine en septembre 2020.
Quel est ton domaine de recherche ?
Mon domaine de recherche est la géométrie complexe et la géométrie algébrique. Plus précisément, je travaille dans la domaine de l’hyperbolicité pour les variétés complexes, et la théorie de Hodge. Je suis en général très intéressé par leurs interfaces. L’étude de l’hyperbolicité complexe remonte au grande théorème de Picard en 1880, qui a montré que toute application holomorphe du disque épointé vers le sphère de Riemann qui évite trois points se prolonge à 0. Aujourd’hui, l’étude de l’hyperbolicité complexe est un sujet très actif par ses analogies suggestives avec la géométrie diophantienne. Je travaille sur une conjecture de Kobayashi en 1970, qui stipule que le complémentaire d’une hypersurface générale de degré suffisamment grand est hyperbolique. Les techniques principales que j’utilise sont les différentielles de jets, introduites par André Bloch en 1926 et développées par Jean-Pierre Demailly en 1995. En bref, ce sont des équations différentielles algébriques sur les variétés vérifiées par tout disque épointé qui admet une singularité essentielle en 0.
La théorie de Hodge, outil précieux pour étudier la théorie des déformations, permet d’obtenir certaines propriétés des espaces de modules comme l’hyperbolicité. Un aspect de mes travaux concerne la généralisation du grand théorème de Picard pour les espaces de modules des variétés algébriques et des structures Hodge polarisées.
Qu’as-tu fait avant d’entrer au CNRS ?
J’ai effectué un doctorat à l’Institut Fourier sous la direction de Jean-Pierre Demailly. Ensuite j’ai été postdoctorant (un an) à l’université de Strasbourg, où j’ai travaillé avec Damian Brotbek : c’était une époque fertile ! J’ai ensuite passé un an de postdoctorant à l’université de Göteborg en suède, puis j’étais postdoctorant à l’IHES jusqu’à mon entrée au CNRS. J’aimerais mentionner que la vie scientifique à l’IHES est vraiment magnifique !
Pourrais-tu nous parler de mathématiciens ou de mathématiciennes qui t’ont marqué, influencé, ou que tu admires tout particulièrement (personnages historiques ou contemporains) ?
De nombreuses mathématiciens et mathématiciennes m’ont influencé. Mais j’aimerais mentionner que j’admire énormément Henri Poincaré. Je suis particulièrement enthousiasmé par sa spécificité à maîtriser l’ensemble des branches des mathématiques et de la physique. Mon goût pour les mathématiques s’est formé sous son influence.
Qu’est-ce qui t’a amené à faire des mathématiques ?
Lorsque j’étais étudiant (en ingénieur) à l’université, nettement influencé par un grand physicien Richard Feynman, j’ai beaucoup appris la physique théorique en autodidacte. Cela a commencé à changer quand j’ai essayé de comprendre la mécanique quantique d’un point de vue rigoureux. Puis j’ai étudié le sujet d’analyse fonctionnelle pour mieux comprendre les notions dans la mécanique quantique, comme « état quantique », « observable »… La beauté et la perfection dans les mathématiques m’ont fasciné et j’ai alors progressivement réalisé que la rigueur et l’intuition en mathématique étaient exactement ce que je recherchais. Mon apprentissage autodidacte s’est détourné de la physique vers les mathématiques. C’était une époque agréable car j’étais complètement libre d’apprendre ce que je voulais. J’ai souhaité vivement devenir un mathématicien.
Qu’attends-tu du métier de mathématicien ?
J’espère que je pourrai étudier les sujets divers auxquels je m’intéresse, contribuer à la société mathématique et d’avoir une petite influence sur ma communauté.
Pourquoi le CNRS ?
Le poste du CNRS est le meilleur métier du monde. J’ai la plus grande liberté de concentrer la recherche. Cela me permet d’explorer les sciences selon mon véritable désir d’apprendre mathématiques et physique. Mon rêve de jeunesse est devenu réalité !
Article source : INSMI